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Amable Tastu
L’Étoile de la Lyre
Ils écoutent les concerts inconnus du cygne et de la lyre
céleste.
CHATEAUBRIAND.
Ah ! nous ne sommes plus au temps où le poète
Parlait au ciel en prêtre, à la terre en prophète !
VICTOR HUGO.
Sur les monts vaporeux la nuit jette ses voiles ;
Mon œil suit lentement sa marche dans les cieux ;
Et je vois s’avancer, resplendissant d’étoiles,
Son char silencieux.
Le vent du soir émeut les feuilles vacillantes ;
L’hymne de Philomèle éveille les échos ;
Et des célestes feux les images tremblantes
Scintillent sur les eaux.
L’air plus frais et plus pur dérobe à nos prairies
Ces parfums ravissans, délices de la nuit ;
Et mollement bercé de vagues rêveries,
Le temps passe sans bruit.
O nuit ! dans quels transports se perd l’âme égarée,
Alors que parcourant l’immensité du ciel,
Nous comptons ces soleils, de la plaine éthérée
Ornement immortel !
Mais nous cherchons en vain le but dans leur carrière,
Une fin à leur cours, inégal ou constant,
Et pour nos yeux déçus cet amas de lumière
N’est qu’un voile éclatant.
La Grèce y lut du moins son histoire brillante ;
Et j’aperçois encor, près de ses demi-dieux,
Le fabuleux Dauphin, la Flèche étincelante,
Et l’Aigle radieux.
Toi que chérit surtout la nuit mystérieuse,
Sur son front azuré verse un plus doux rayon,
Toi qui brillas jadis, lyre mélodieuse,
Dans les mains d’Arion.
Alors, de la nature éloquent interprète
Ton pouvoir animait le naissant univers,
Frétait des bruits divins à la terre muette,
Peuplait les deux déserts.
Alors tes nobles sons, en prodiges fertiles,
Rassemblaient les humains errans au fond des bois,
Aux champs béotiens faisaient surgir les villes,
Et leur donnaient des lois.
Reine de l’avenir, et fille du génie,
La Lyre aux jeux de Mars appelait les guerriers,
Célébrait leurs exploits, et sa mâle harmonie
Dispensait les lauriers.
Haletant du triomphe, un athlète intrépide
Apparaît : épuisé de vingt combats divers,
Quels biens lui sont promis ? Les chants de Simonide
Et des feuillages verts.
Lyre ! qui te rendra ta divine influence,
Et les magiques sons qui soumettaient nos cœurs ?
Ah ! ressaisis tes droits, et répands sur la France
Tes antiques faveurs !
Oui, les fils glorieux de nos belles contrées
Rappelleront l’éclat de ton premier pouvoir :
Déjà le monde écoute, et les harpes sacrées
Vont bientôt s’émouvoir.
Entendez, entendez de la Lyre agrandie
D’innombrables accords s’élancer à la fois !
Les uns iront porter la vérité hardie
A l’oreille des Rois ;
D’autres, enfans heureux d’une terre adorée,
Réveilleront l’écho de ses jours glorieux,
Ou raviront pour elle, à la corde inspirée,
Des pleurs harmonieux.
Et vous, accords divins, accords dont le Prophète
Endormait dans Juda de royales fureurs,
Dans les cœurs agités apaisez la tempête
Des coupables erreurs.
Alors que mon pays, soumis à ta puissance,
Lyre, s’applaudira de tes hymnes touchans,
Moi, pensive, de loin, dans un joyeux silence,
J’écouterai ces chants.
Astre consolateur, ma voix faible et craintive
Ne se mêlera point à tes nobles concerts ;
Mais je laisse pour toi sa douceur fugitive
S’exhaler dans les airs.
J’attache un œil rêveur sur tes clartés mobiles,
Sur ce front lumineux, dans l’onde répété ;
Et, sous mes doigts distraits, quelques notes faciles
Honorent ta beauté.
Des bords de l’Orient s’élançant dans l’espace,
Dès que le roi du jour sur son empire a lui,
On oublie à la fois les astres qu’il efface,
On ne voit plus que lui.
Toi, fille de la nuit, quand les ombres fidèles
Des champs aériens rembrunissent l’azur,
Sans éclipser tes sœurs, tu répands auprès d’elles
Un feu tranquille et pur.
Une gloire semblable est la seule où j’aspire ;
C’est d’un pareil destin que mon cœur est jaloux.
Ah ! dans la nuit des ans laisse briller ma lyre
De rayons aussi doux !