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Amable Tastu
À Prud’hon
Envoi de la Véronique
Muses ! vous savez tout, vous Déesses ; et nous,
Mortels, ne savons rien qui ne vienne de vous.
ANDRÉ CHÉNIER.
Messager discret et fidèle,
Dit un jour Amour au Zéphir,
Je veux étonner l’avenir
Du prix que j’accorde à ton zèle !
A mes yeux tu l’as mérité,
Quand j’ai vu mes aveux timides
Et les soupirs de la beauté
Portés sur tes ailes rapides.
Viens chez les heureux favoris
Du Dieu de la double colline :
Celui qui sut peindre Cyprine
Et d’Adonis les traits chéris
Peut seul à l’univers surpris
Dévoiler ta beauté divine.
Viens, déjà Phœbus de retour
Des cieux nous verse la lumière ;
Ma mère et sa riante cour
Suivront ta course printanière.
Il dit : les Heures du matin,
Sur un nuage teint de rose,
Guident le cortège divin
Vers l’asile cher au Destin,
Où le fils des Muses repose.
Tu dors, lui dit tout bas l’Amour,
Tu dors, peintre de Cythérée !
Des succès que promet ce jour
Entends sonner l’heure sacrée.
L’artiste, à ces sons enchanteurs,
Du sommeil soulève le voile ;
Les Grâces préparaient sa toile,
Flore disposait les couleurs,
Et, plein du feu qui le domine,
Zeuxis de la main de Cyprine
Reçoit les pinceaux créateurs.
Jeux, Ris, Plaisirs, troupe immortelle t
Dansez les bras entrelacés ;
Au bruit de vos chants cadencés
S’anime la toile fidèle :
Déjà le plus léger des Dieux,
Saisissant la branche captive,
Sourit, et d’un pied curieux
Effleure l’onde fugitive ;
Le cours vaporeux du ruisseau
Où se réfléchit son image,
Ce jour, si doux sous le feuillage,
Naissent du magique pinceau,
Et l’art répand sur le tableau
L’humide fraîcheur du bocage.
Cupidon, sur son arc penché,
Reconnaît dans l’œuvre nouvelle
La main du gracieux Apelle
Qui naguère embellit Psyché ;
Sa mère, d’un charme caché
Voulant enrichir la peinture,
Laissait tomber de sa ceinture
Les dons de plaire, d’attacher,
Le doux succès qui suit leurs traces,
Et le groupe riant des Grâces
Défendait au Temps d’approcher.