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    André Theuriet

    L’assemblée

    Vielles et cornemuse en chœur
    Retentissent dans la vallée ;
    Le vent porte sur la hauteur
    Les joyeux bruits de l’assemblée.
    On ne voit par les sentiers verts
    Que fillettes aux coiffes blanches
    Et garçons rayonnans et fiers
    Dans leurs habits des dimanches.

    On danse à l’abri des tilleuls,
    En face de la vieille église :
    — En avant, les cavaliers seuls !
    Crie un vielleur à barbe grise. —
    Et tandis que sur les tréteaux
    L’orchestre s’essouffle et s’enroue,
    La contredanse sans repos
    Se dénoue et se renoue.

    Une auberge sous les noyers
    Se dresse, bourdonnante et pleine.
    Là sont venus les métayers
    Louer pâtres et gens de peine.
    À flots coule le vin vermeil,
    Le meilleur vin de l’hôtelière ;
    On voit scintiller au soleil
    Des rubis dans chaque verre.

    Les gars qui veulent se gager
    Pour la saison ou pour l’année,
    Vigneron, faucheur ou berger,
    Moissonneur, homme de journée,
    Passent tous sourians et forts
    Devant la porte au large ouverte ;
    Tous à leurs chapeaux aux grands bords
    Ont mis une branche verte.

    Cet emblème parle pour eux.
    Il dit, ce frais brin de feuillage :
    « Voyez, j’ai des bras vigoureux,
    Je suis plein de cœur à l’ouvrage.
    J’ai quitté mon toit ce matin ;
    Ma mère, avec une caresse,
    Ma mère m’a mis dans la main
    Un écu, mince richesse.

    « Maintenant qui veut me nourrir ?
    Qui veut me prendre en sa demeure ?
    Je fais serment de le servir
    Le jour et la nuit, à toute heure.
    J’irai surveiller ses pastours
    Et battre son blé dans la grange ;
    Je ferai ses foins, ses labours,
    Sa moisson et sa vendange… »

    Puis, quand les gages sont donnés,
    Ils s’en reviennent à la danse.
    Sonnez, cornemuses, sonnez ;
    Toi, vielleur, marque la cadence !
    Avec leur danseuse au côté,
    Ils tournent et sautent sans cesse ;
    O dernier jour de liberté,
    On te boit avec ivresse !

    Aujourd’hui c’est l’air imprégné
    D’amour, l’air natal du village ;
    Mais demain c’est le pain gagné
    À la sueur de son visage.
    Ce soir encor, tout est plaisir ;
    Mais demain il faudra connaître
    L’escalier si raide à gravir,
    Le dur escalier du maître !




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