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André Theuriet
Le coucou
Le bois est reverdi,
Une lumière douce
Sous la feuille, à midi,
Glisse et dore la mousse.
On dirait qu’on entend
Le bourgeon qui se fend
Et le gazon qui pousse.
Sur le bord des étangs
Où tremblent les narcisses,
Les trèfles d’eau flottans
Entr’ouvrent leurs calices.
Piverts et grimpereaux
Meurtrissent des bouleaux
Les troncs pâles et lisses.
La fauvette au buisson
Murmure une romance,
Courte et leste chanson
Qui toujours recommence.
Grives, pinsons, linots,
Merles et loriots,
Répondent en cadence.
O pénétrante voix
De la saison bénie !
Partout vibre à la fois
La tendre symphonie ;
Tout s’égaie aux entours.
Les bois sont pleins d’amours,
De fleurs et d’harmonie.
Mais dans la profondeur
Du taillis qui bourdonne,
Comme un écho pleureur,
Une note résonne :
Du coucou désolé
C’est l’appel redoublé,
La plainte monotone.
Quand les nids en émoi
Tressaillent d’allégresse,
Savez-vous, dites-moi,
Pourquoi cette tristesse ?
Pourquoi ce long soupir
Qui semble toujours fuir,
Et qui revient sans cesse ?…
Des saisons d’autrefois
Et des morts qu’on oublie,
Mes amis, c’est la voix
Dans l’ombre ensevelie ;
Au soleil, à l’air bleu,
Elle envoie un adieu
Plein de mélancolie.
Elle dit : « Rameaux verts,
Songez aux feuilles sèches !
Blondes filles aux chairs
Roses comme les pêches,
Amoureux de vingt ans,
Enivrés de printemps,
Songez aux tombes fraîches ! »