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    Anna de Noailles

    L’Empreinte

    Je m'appuierai si bien et si fort à la vie,
    D'une si rude étreinte et d'un tel serrement
    Qu'avant que la douceur du jour me soit ravie
    Elle s'échauffera de mon enlacement.

    La mer, abondamment sur le monde étalée,
    Gardera dans la route errante de son eau
    Le goût de ma douleur qui est âcre et salée
    Et sur les jours mouvants roule comme un bateau.

    Je laisserai de moi dans le pli des collines
    La chaleur de mes yeux qui les ont vu fleurir
    Et la cigale assise aux branches de l'épine
    Fera crier le cri strident de mon désir.

    Dans les champs printaniers la verdure nouvelle
    Et le gazon touffu sur les bords des fossés
    Sentiront palpiter et fuir comme des ailes
    Les ombres de mes mains qui les ont tant pressés.

    La nature qui fut ma joie et mon domaine
    Respirera dans l'air ma persistante odeur
    Et sur l'abattement de la tristesse humaine
    Je laisserai la forme unique de mon cœur.




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