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Auguste Barbier
Londres
C’est un espace immense et d’une longueur telle
Qu’il faut pour le franchir un jour à l’hirondelle,
Et ce n’est, bien au loin, que des entassements
De maisons, de palais, et de hauts monuments,
Plantés là par le temps sans trop de symétrie ;
De noirs et longs tuyaux, clochers de l’industrie,
Ouvrant toujours la gueule, et de leurs ventres chauds
Exhalant dans les airs la fumée à longs flots ;
De vastes dômes blancs et des flèches gothiques
Flottant dans la vapeur sur des monceaux de briques ;
Un fleuve inabordable, un fleuve tout houleux
Roulant sa vase noire en détours sinueux,
Et rappelant l’effroi des ondes infernales ;
De gigantesques ponts aux piles colossales,
Comme l’homme de Rhode, à travers leurs arceaux
Pouvant laisser passer des milliers de vaisseaux ;
Une marée infecte et toujours avec l’onde
Apportant, remportant les richesses du monde ;
Des chantiers en travail, des magasins ouverts,
Capables de tenir dans leurs flancs l’univers ;
Puis un ciel tourmenté, nuage sur nuage ;
Le soleil, comme un mort, le drap sur le visage,
Ou, parfois, dans les flots d’un air empoisonné
Montrant comme un mineur son front tout charbonné ;
Enfin, dans un amas de choses, sombre, immense,
Un peuple noir, vivant et mourant en silence,
Des êtres par milliers suivant l’instinct fatal,
Et courant après l’or par le bien et le mal.