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    Casimir Delavigne

    La Vie de Jeanne d’Arc

    Un jour que l’océan gonflé par la tempête,
    Réunissant les eaux de ses fleuves divers,
    Fier de tout envahir, marchait à la conquête
    De ce vaste univers ;

    Une voix s’éleva du milieu des orages,
    Et Dieu, de tant d’audace invinsible témoin,
    Dit aux flots étonnés : « Mourez sur ces rivages,
    Vous n’irez pas plus loin. »

    Ainsi, quand, tourmentés d’une impuissante rage,
    Les soldats de Bedfort, grossis par leurs succès,
    Menaçaient d’un prochain naufrage
    Le royaume et le nom français ;
    Une femme, arrêtant ces bandes formidables,
    Se montra dans nos champs de leur foule inondés ;
    Et ce torrent vainqueur expira dans les sables
    Que naguère il couvrait de ses flots débordés.

    Une femme paraît, une vierge, un héros :
    Elle arrache son maître aux langueurs du repos.
    La France qui gémit se réveille avec peine,
    Voit son trône abattu, voit ses champs dévastés,
    Se lève en secouant sa chaîne,
    Et rassemble à ce bruit ses enfans irrités.

    Qui t’inspira, jeune et faible bergère,
    D’abandonner la houlette légère
    Et les tissus commencés par ta main ?
    Ta sainte ardeur n’a pas été trompée ;
    Mais quel pouvoir brise sous ton épée
    Les cimiers d’or et les casques d’airain ?

    L’aube du jour voit briller ton armure,
    L’acier pesant couvre ta chevelure,
    Et des combats tu cours braver le sort.
    Qui t’inspira de quitter ton vieux père,
    De préférer aux baisers de ta mère
    L’horreur des camps, le carnage et la mort ?

    C’est Dieu qui l’a voulu, c’est le dieu des armées,
    Qui regarde en pitié les pleurs des malheureux,
    C’est lui qui délivra nos tribus opprimées
    Sous le poids d’un joug rigoureux ;
    C’est lui, c’est l’éternel, c’est le dieu des armées !

    L’ange exterminateur bénit ton étendard ;
    Il mit dans tes accens un son mâle et terrible,
    La force dans ton bras, la mort dans ton regard,
    Et dit à la brebis paisible :
    Va déchirer le léopard.

    Richemont, Lahire, Xaintrailles,
    Dunois, et vous, preux chevaliers,
    Suivez ses pas dans les batailles :
    Couvrez-la de vos boucliers,
    Couvrez-la de votre vaillance ;
    Soldats, c’est l’espoir de la France
    Que votre roi vous a commis.
    Marchez quand sa voix vous appelle,
    Car la victoire est avec elle ;
    La fuite, avec ses ennemis.

    Apprenez d’une femme à forcer des murailles,
    À gravir leurs débris sous des feux dévorans,
    À terrasser l’anglais, à porter dans ses rangs
    Un bras fécond en funérailles !

    Honneur à ses hauts faits ! Guerriers, honneur à vous !
    Chante, heureuse Orléans, les vengeurs de la France,
    Chante ta délivrance :
    Les assaillans nombreux sont tombés sous leurs coups.
    Que sont-ils devenus ces conquérans sauvages
    Devant le fer vainqueur qui combattait pour nous ? ...
    Ce que deviennent des nuages
    D’insectes dévorans dans les airs rassemblés,
    Quand un noir tourbillon élancé des montagnes
    Disperse en tournoyant ces bataillons ailés,
    Et fait pleuvoir sur nos campagnes
    Leurs cadavres amoncelés.

    Aux yeux d’un ennemi superbe
    Le lis a repris ses couleurs ;
    Ses longs rameaux courbés sous l’herbe
    Se relèvent couverts de fleurs.
    Jeanne au front de son maître a posé la couronne.

    A l’attrait des plaisirs qui retiennent ses pas
    La noble fille l’abandonne :
    Délices de la cour, vous n’enchaînerez pas
    L’ardeur d’une vertu si pure ;
    Des armes, voilà sa parure,
    Et ses plaisirs sont les combats.

    Ainsi tout prospérait à son jeune courage.
    Dieu conduisit deux ans ce merveilleux ouvrage.
    Il se plut à récompenser
    Pour la France et ses rois son amour idolâtre,
    Deux ans il la soutint sur ce brillant théâtre,
    Pour apprendre aux anglais, qu’il voulait abaisser
    Que la France jamais ne périt tout entière,
    Que, son dernier vengeur fût-il dans la poussière,
    Les femmes, au besoin, pourraient les en chasser.




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