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    Charles Augustin Sainte-Beuve

    Le Conducteur de cabriolet

    . . . . . . . . . Nam cur
    Quae laedunt oculos festinas demere : si quid
    Est animum, differs curandi tempus in annum ?

    HORACE, Ép. II, liv. I.


    Dans ce cabriolet de place j’examine
    L’homme qui me conduit, qui n’est plus que machine,
    Hideux, à barbe épaisse, à longs cheveux collés :
    Vice et vin et sommeil chargent ses yeux soûlés.
    Comment l’homme peut-il ainsi tomber ? pensais-je,
    Et je me reculais à l’autre coin du siége.
    — Mais Toi, qui vois si bien le mal à son dehors,
    La crapule poussée à l’abandon du corps,
    Comment tiens-tu ton âme au-dedans ? Souvent pleine
    Et chargée, es-tu prompt à la mettre en haleine ?
    Le matin, plus soigneux que l’homme d’à-côté,
    La laves-tu du songe épais ? et dégoûté,
    Le soir, la laves-tu du jour gros de poussière ?
    Ne la laisses-tu pas sans baptême et prière
    S’engourdir et croupir, comme ce conducteur
    Dont l’immonde sourcil ne sent pas sa moiteur ?




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