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    Charles Augustin Sainte-Beuve

    À David, statuaire, sur une statue d’enfant

    Divini opus Alcimedontis.
    VIRGILE


    L’enfant ayant aperçu
    (À l’insu
    De sa mère, à peine absente)
    Pendant au premier rameau
    De l’ormeau
    Une grappe mûrissante ;

    L’enfant, à trois ans venu,
    Fort et nu,
    Qui jouait sur la belle herbe,
    N’a pu, sans vite en vouloir,
    N’a pu voir
    Briller le raisin superbe.

    Il a couru ! ses dix doigts
    À la fois,
    Comme autour d’une corbeille,
    Tirent la grappe qui rit
    Dans son fruit.
    Buvez, buvez, jeune abeille !

    La grappe est un peu trop haut ;
    Donc il faut
    Que l’enfant hausse sa lèvre.
    Sa lèvre au fruit déjà prend,
    Il s’y pend,
    Il y pend comme la chèvre.

    Oh ! comme il pousse en dehors
    Tout son corps,
    Petit ventre de Silène,
    Reins cambrés, plus fléchissants
    En leur sens
    Que la vigne qu’il ramène.

    À deux mains le grain foulé
    A coulé ;
    Douce liqueur étrangère !
    Tel, plus jeune, il embrassait
    Et pressait
    La mamelle de sa mère.

    Âge heureux et sans soupçon !
    Au gazon
    Que vois-je ? un serpent se glisse,
    Le même serpent qu’on dit
    Qui mordit,
    Proche d’Orphée, Eurydice.

    Pauvre enfant ! son pied levé
    L’a sauvé ;
    Rien ne l’avertit encore. —
    C’est la vie avec son dard
    Tôt ou tard !
    C’est l’avenir ! qu’il l’ignore !




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