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    Charles Augustin Sainte-Beuve

    En revenant du convoi de Gabrielle

    Quand, de la jeune amante, en son linceul couchée,
    Accompagnant le corps, deux Amis d’autrefois,
    Qui ne nous voyons plus qu’à de mornes convois,
    À cet âge où déjà toute larme est séchée ;

    Quand, l’office entendu, tous deux silencieux,
    Suivant du corbillard la lenteur qui nous traîne,
    Nous pûmes, dans le fiacre où six tenaient à peine,
    L’un devant l’autre assis, ne pas mêler nos yeux,

    Et ne pas nous sourire, ou ne pas sentir même
    Une prompte rougeur colorer notre front,
    Un reste de colère, un battement suprême
    D’une amitié si grande, et dont tous parleront ;

    Quand, par ce ciel funèbre et d’avare lumière,
    Le pied sur cette fosse où l’on descend demain,
    Nous pûmes jusqu’au bout, sans nous saisir la main,
    Voir tomber de la pelle une terre dernière ;

    Quand chacun, tout fini, s’en alla de son bord,
    Oh ! dites ! du cercueil de cette jeune femme,
    Ou du sentiment mort, abîmé dans notre âme,
    Lequel était plus mort ?




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