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    Charles Baudelaire

    Sed non satiata

    Bizarre déité, brune comme les nuits,
    Au parfum mélangé de musc et de havane,
    Œuvre de quelque obi, le Faust de la savane,
    Sorcière au flanc d'ébène, enfant des noirs minuits,

    Je préfère au constance, à l'opium, au nuits,
    L'élixir de ta bouche où l'amour se pavane;
    Quand vers toi mes désirs partent en caravane,
    Tes yeux sont la citerne où boivent mes ennuis.

    Par ces deux grands yeux noirs, soupiraux de ton âme,
    O démon sans pitié, verse-moi moins de flamme;
    Je ne suis pas le Styx pour t'embrasser neuf fois,

    Hélas! et je ne puis, Mégère libertine,
    Pour briser ton courage et te mettre aux abois,
    Dans l'enfer de ton lit devenir Proserpine!

    Avec ses vêtements ondoyants et nacrés,
    Même quand elle marche, on croirait qu'elle danse,
    Comme ces longs serpents que les jongleurs sacrés
    Au bout de leurs bâtons agitent en cadence.

    Comme le sable morne et l'azur des déserts,
    Insensibles tous deux à l'humaine souffrance,
    Comme les longs réseaux de la houle des mers,
    Elle se développe avec indifférence.

    Ses yeux polis sont faits de minéraux charmants,
    Et dans cette nature étrange et symbolique
    Où l'ange inviolé se mêle au sphinx antique,

    Où tout n'est qu'or, acier, lumière et diamants,
    Resplendit à jamais, comme un astre inutile,
    La froide majesté de la femme stérile.




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