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    Émile Verhaeren

    Les Moines

    (poème)

    Je vous invoque ici, Moines apostoliques,
    Chandeliers d’or, flambeaux de foi, porteurs de feu,
    Astres versant le jour aux siècles catholiques,
    Constructeurs éblouis de la maison de Dieu ;

    Solitaires assis sur les montagnes blanches,
    Marbres de volonté, de force et de courroux,
    Prêcheurs tenant levés vos bras à longues manches
    Sur les remords ployés des peuples à genoux ;

    Vitraux avivés d’aube et de matin candides,
    Vases de chasteté ne tarissant jamais,
    Miroirs réverbérant comme des lacs lucides
    Des rives de douceur et des vallons de paix ;

    Voyants dont l’âme était la mystique habitante,
    Longtemps avant la mort, d’un monde extra-humain,
    Torses incendiés de ferveur haletante,
    Rocs barbares debout sur l’empire romain ;

    Étendards embrasés, armures de l’Église,
    Abatteurs d’hérésie à larges coups de croix,
    Géants chargés d’orgueil que Rome immortalise,
    Glaives sacrés pendus sur la tête des rois ;

    Arches dont le haut cintre arquait sa vastitude,
    Avec de lourds piliers d’argent comme soutiens,
    Du côté de l’aurore et de la solitude,
    D’où sont venus vers nous les grands fleuves chrétiens ;

    Clairons sonnant le Christ à belles claironnées,
    Tocsins battant l’alarme, à mornes glas tombants,
    Tours de soleil de loin en loin illuminées,
    Qui poussez dans le ciel vos crucifix flambants.




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