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Eradiquer les moustiques serait une grande perte pour l’humanité
L’éradication des moustiques serait « une grande perte » pour la biodiversité et la nature, voire pour l’humanité.
Telle est la substance d’une conférence organisée par l’Institut de recherche pour le développement (IRD) le 17 février2024 à l’Institut français de Madagascar à Antananarivo.
Les deux conférenciers, Michaël Luciano Tantely, chercheur à l’Institut Pasteur de Madagascar (IPM), et Diego Ayala, chef de l’unité d’entomologie médicale à l’IPM et chercheur à l’IRD, déconseillent l’éradication de ces insectes au risque de créer un déséquilibre important dans la biodiversité mondiale, susceptible d’affecter la chaîne alimentaire et la croissance.
Par exemple, les moustiques en général jouent le rôle de pollinisateurs comme les abeilles et les fourmis. « Ils se nourrissent du nectar des plantes et, de ce fait, ils transportent le pollen d’une plante à une autre », précise Michaël Luciano Tantely.
Mandaniaina Andriamampianina, doctorante rattachée au laboratoire d’entomologie au Centre national de recherche sur l’environnement (CNRE) de Madagascar, renchérit en soulignant que la production du cacao en particulier bénéficie du service rendu par les moustiques.
« Suivant mon observation personnelle, les abeilles sont incapables de s’introduire dans les fleurs des cacaoyers. Etant donné leur taille, les moustiques, avec les fourmis, sont les pollinisateurs désignés de ces plantes », confie-t-elle.
Au niveau de la chaîne alimentaire, les deux conférenciers soulignent la présence de larves de moustiques en milieux aquatiques pour l’alimentation des poissons, des grenouilles… « Les petits poissons qui mangent les larves sont mangés par les grands que les humains mangent », insiste Michaël Luciano Tantely.
Au passage, Diego Ayala souligne que de leur côté, les moustiques adultes constituent aussi des repas pour les araignées, les chauves-souris, etc.
« D’après nos expertises, chaque microchiroptère [chauve-souris] avale jusqu’à 500 individus de moustiques par nuit », confirme Andriamanana Rabearivelo, président-fondateur de l’ACCE, une ONG dédiée à la protection des chauves-souris et de roussettes.
De l’avis de ce dernier, la perturbation de cet équilibre pourrait engendrer des problèmes découlant de la disproportion entre la population des chauves-souris, investies elles aussi d’autres rôles écologiques importants, et celle des moustiques.
Au plan environnemental, les moustiques contribuent à améliorer la potabilité de l’eau en milieu aquatique ; car, leurs larves absorbent les substances nuisibles ou les algues contenues dans l’eau. « Ces bestioles sont des indicateurs de la qualité de l’eau », affirme Mandaniaina Andriamampianina.
De la même, manière, indiquent ces experts, ces juvéniles aident à éliminer les résidus de pesticide et d’insecticide utilisés dans l’agriculture et qui s’accumulent dans les bas-fonds.
Par ailleurs, indique Diego Ayala, les moustiques chassent pendant un certain temps dans l’année les troupeaux d’herbivores qui exercent une forte pression sur les zones de pâturage, permettant ainsi aux végétations de ces zones de se régénérer.
Dès lors, disent ces chercheurs, le maintien des moustiques dans la nature, à l’instar de tous les autres animaux, est nécessaire pour assurer l’équilibre des écosystèmes même si certaines espèces, dont environ 64 à Madagascar, transmettent aux humains des maladies dangereuses.
A l’instar notamment du paludisme, de la dengue, du chikungunya, de la fièvre jaune, de la fièvre de la Vallée du Rift et des autres arboviroses. Des maladies qui tuent chaque année près d’un million de personnes, dont la majorité en Afrique.
D’après les scientifiques, les moustiques sont présents dans toutes les régions du monde, sauf en Antarctique, et les adultes vivent en moyenne un mois. Il importe donc, disent-ils, de rompre le contact avec eux pour protéger les humains, d’où l’usage des moustiquaires imprégnées en Afrique.
Seulement, la lutte chimique avec ses effets nocifs pour la santé et l’environnement élimine non seulement les moustiques mais aussi d’autres éléments indispensables de la biodiversité.
Face à la complexité de la situation, les chercheurs explorent depuis quelque temps déjà la piste de la lutte biologique pour tenter de contrôler les populations des moustiques.
De l’autre côté, les humains sont encouragés à ne pas trop habiter sur l’habitat naturel des moustiques qui est la forêt, afin d’éviter qu’ils ne viennent « les embêter » à leur tour. (SciDev.Net)