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    Félix Arvers

    À mon ami ***

    Tu sais l’amour et son ivresse
    Tu sais l’amour et ses combats ;
    Tu sais une voix qui t’adresse
    Ces mots d’ineffable tendresse
    Qui ne se disent que tout bas.

    Sur un beau sein, ta bouche errante
    Enfin a pu se reposer,
    Et sur une lèvre mourante
    Sentir la douceur enivrante
    Que recèle un premier baiser…

    Maître de ces biens qu’on envie
    Ton cœur est pur, tes jours sont pleins !
    Esclave à tes vœux asservie,
    La fortune embellit ta vie
    Tu sais qu’on t’aime, et tu te plains !

    Et tu te plains ! et t’exagères
    Ces vagues ennuis d’un moment,
    Ces chagrins, ces douleurs légères,
    Et ces peines si passagères
    Qu’on ne peut souffrir qu’en aimant !

    Et tu pleures ! et tu regrettes
    Cet épanchement amoureux !
    Pourquoi ces maux que tu t’apprêtes ?
    Garde ces plaintes indiscrètes
    Et ces pleurs pour les malheureux !

    Pour moi, de qui l’âme flétrie
    N’a jamais reçu de serment,
    Comme un exilé sans patrie,
    Pour moi, qu’une voix attendrie
    N’a jamais nommé doucement,

    Personne qui daigne m’entendre,
    A mon sort qui saigne s’unir,
    Et m’interroge d’un air tendre,
    Pourquoi je me suis fait attendre
    Un jour tout entier sans venir.

    Personne qui me recommande
    De ne rester que peu d’instants
    Hors du logis ; qui me gourmande
    Lorsque je rentre et me demande
    Où je suis allé si longtemps.

    Jamais d’haleine caressante
    Qui, la nuit, vienne m’embaumer ;
    Personne dont la main pressante
    Cherche la mienne, et dont je sente
    Sur mon cœur les bras se fermer !

    Une fois pourtant — quatre années
    Auraient-elles donc effacé
    Ce que ces heures fortunées
    D’illusions environnées
    Au fond de mon âme ont laissé ?

    Oh ! c’est qu’elle était si jolie !
    Soit qu’elle ouvrit ses yeux si grands,
    Soit que sa paupière affaiblie
    Comme un voile qui se déplie
    Éteignit ses regards mourants !

    — J’osai concevoir l’espérance
    Que les destins moins ennemis,
    Prenant pitié de ma souffrance,
    Viendraient me donner l’assurance
    D’un bonheur qu’ils auraient permis :

    L’heure que j’avais attendue,
    Le bonheur que j’avais rêvé
    A fui de mon âme éperdue,
    Comme une note suspendue,
    Comme un sourire inachevé !

    Elle ne s’est point souvenue
    Du monde qui ne la vit pas ;
    Rien n’a signalé sa venue,
    Elle est passée, humble, inconnue,
    Sans laisser trace de ses pas.

    Depuis lors, triste et monotone,
    Chaque jour commence et finit :
    Rien ne m’émeut, rien ne m’étonne,
    Comme un dernier rayon d’automne
    J’aperçois mon front qui jaunit.

    Et loin de tous, quand le mystère
    De l’avenir s’est refermé,
    Je fuis, exilé volontaire !
    — Il n’est qu’un bonheur sur la terre,
    Celui d’aimer et d’être aimé.


    Août 1829.




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