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    Jean de La Fontaine

    L’Astrologue qui se laisse tomber dans un puits

    Un Astrologue un jour se laissa choir
    Au fonds d’un puits. On luy dit, Pauvre beste,
    Tandis qu’à peine à tes pieds tu peux voir,
    Penses-tu lire au-dessus de ta teste ?

    Cette avanture en soy, sans aller plus avant,
    Peut servir de leçon à la pluspart des hommes.
    Parmy ce que de gens sur la terre nous sommes,
    Il en est peu qui fort souvent
    Ne se plaisent d’entendre dire,
    Qu’au Livre du Destin les mortels peuvent lire.
    Mais ce Livre qu’Homere et les siens ont chanté,
    Qu’est-ce que le hazard parmy l’antiquité,
    Et parmy nous, la Providence ?
    Or du hazard il n’est point de science.
    S’il en estoit, on auroit tort
    De l’appeller hazard, ny fortune, ny sort,
    Toutes choses tres-incertaines.
    Quant aux volontez souveraines
    De celuy qui fait tout, et rien qu’avec dessein,
    Qui les sçait que luy seul ? Comment lire en son sein ?
    Auroit-il imprimé sur le front des étoiles
    Ce que la nuit des temps enferme dans ses voiles ?
    A quelle utilité ? Pour exercer l’esprit
    De ceux qui de la Sphere et du Globe ont écrit ?
    Pour nous faire éviter des maux inêvitables ?
    Nous rendre dans les biens de plaisir incapables ?
    Et causant du dégoust pour ces biens prévenus
    Les convertir en maux devant qu’ils soient venus ?
    C’est erreur, ou plustost c’est crime de le croire.
    Le Firmament se meut ; les Astres font leur cours ;
    Le Soleil nous luit tous les jours ;
    Tous les jours sa clarté succede à l’ombre noire,
    Sans que nous en puissions autre chose inferer
    Que la necessité de luire et d’éclairer,
    D’amener les saisons, de meurir les semences,
    De verser sur les corps certaines influences.
    Du reste, en quoy répond au sort toûjours divers
    Ce train toûjours égal dont marche l’Univers ?
    Charlatans, faiseurs d’horoscope,
    Quittez les Cours des Princes de l’Europe :
    Emmenez avec vous les souffleurs tout d’un temps.
    Vous ne meritez pas plus de foy que ces gens.
    Je m’emporte un peu trop ; revenons à l’histoire
    De ce Speculateur qui fut contraint de boire.
    Outre la vanité de son art mensoger,
    C’est l’image de ceux qui baaillent aux chimeres,
    Cependant qu’ils sont en danger,
    Soit pour eux, soit pour leurs affaires.




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