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    Jean de La Fontaine

    La Chate métamorphosée en Femme

    Un homme cherissoit éperdument sa Chate ;
    Il la trouvoit mignonne, et belle, et délicate,
    Qui miauloit d’un ton fort doux :
    Il estoit plus fou que les foux.
    Cet Homme donc par prieres, par larmes,
    Par sortilèges et par charmes,
    Fait tant qu’il obtient du destin
    Que sa Chate eu un beau matin
    Devient femme, et le matin mesme
    Maistre sot en fait sa moitié.
    Le voila fou d’amour extrême,
    De fou qu’il estoit d’amitié.
    Jamais la Dame la plus belle
    Ne charma tant son favory,
    Que fait cette épouse nouvelle
    Son hypocondre de mary.
    Il l’amadouë, elle le flate,
    Il n’y trouve plus rien de Chate :
    Et poussant l’eereur jusqu’au bout
    La croit femme en tout et par tout.
    Lors que quelques Souris qui rongeoient de la natte
    Troublerent le plaisir des nouveaux mariez.
    Aussi-tost la femme est sur pieds :
    Elle manqua son avanture.
    Souris de revenir, femme d’estre en posture.
    Pour cette fois elle accourut à point ;
    Car ayant changé de figure,
    Les Souris ne la craignoient point.
    Ce luy fut toûjours une amorce,
    Tant le naturel a de force.
    Il se mocque de tout, certain àge accomply.
    Le Vase est imbibé, l’étoffe a pris son ply.
    En vain de son train ordinaire
    On le veut des-accoûtumer.
    Quelque chose qu’on puisse faire,
    On ne sçauroit le reformer.
    Coups de fourche ny d’étrivieres
    Ne luy font changer de manieres ;
    Et, fussiez-vous embastonnez,
    Jamais vous n’en serez les maistres.
    Qu’on luy ferme la porte au nez,
    Il reviendra par les fenestres.




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