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    Jean de La Fontaine

    Le Chesne et le Rozeau

    Le Chesne un jour dit au Rozeau :
    Vous avez bien sujet d’accuser la nature.
    Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau.
    Le moindre vent qui d’aventure
    Fait rider la face de l’eau
    Vous oblige à baisser la teste :
    Cependant que mon front au Caucase pareil,
    Non content d’arrester les rayons du Soleil,
    Brave l’effort de la tempeste.
    Tout vous est Aquilon ; tout me semble Zephir.
    Encor si vous naissiez à l’abry du feüillage
    Dont je couvre le voisinage ;
    Vous n’auriez pas tant à souffrir ;
    Je vous défendrois de l’orage :
    Mais vous naissez le plus souvent
    Sur les humides bords des Royaumes du vent.
    La nature envers vous me semble bien injuste.
    Vostre compassion, luy répondit l’Arbuste,
    Part d’un bon naturel ; mais quittez ce soucy.
    Les vents me sont moins qu’à vous redoutables.
    Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu’icy
    Contre leurs coups épouventables
    Resisté sans courber le dos :
    Mais attendons la fin. Comme il disoit ces mots,
    Du bout de l’Orizon accourt avec furie
    Le plus terrible des enfans
    Que le Nort eust portez jusque-là dans ses flancs.
    L’Arbre tient bon, le Roseau plie :
    Le vent redouble ses efforts,
    Et fait si bien qu’il déracine
    Celuy de qui la teste au Ciel estoit voisine,
    Et dont les pieds touchoient à l’empire des morts.




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