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    Joseph Autran

    Chœur

    Nous sommes les vagues profondes
    Où les yeux plongent vainement ;
    Nous sommes les flots et les ondes
    Qui déroulent autour des mondes
    Leur manteau d’azur écumant !

    Une âme immense en nous respire,
    Elle soulève notre sein.
    Soue l’aquilon, sous le zéphyre,
    Nous sommes la plus vaste lyre
    Qui chante un hymne au trois fois Saint !

    Amoncelés par les orages,
    Rendus au calme, tour à tour,
    Nous exhalons des cris sauvages,
    Qui vont bientôt sur les rivages
    S’achever en soupirs d’amour.

    C’est nous qui portons sur nos cimes
    Les messagers des nations,
    Vaisseaux de bronze aux mâts sublimes,
    Aussi légers pour nos abîmes
    Que l’humble nid des alcyons.

    Sur ces vaisseaux si Dieu nous lance,
    Terribles nous fondons sur eux ;
    Puis nous promenons en silence
    La barque frêle qui balance
    Un couple d’enfants amoureux !

    Nous sommes les vagues profondes
    Où les yeux plongent vainement ;
    Nous sommes les flots et les ondes
    Qui déroulent autour des mondes
    Leur manteau d’azur écumant.

    C’est nous qui d’une rive à l’autre
    Emportons les audacieux.
    Le marchand, le guerrier, l’apôtre,
    N’ont qu’une route, c’est la nôtre,
    Pour changer de terre et de cieux.

    Nos profondeurs, Dieu les consacre
    A son mystérieux travail ;
    Dans nos limons pleins d’un sel âcre,
    Il répand à deux mains la nacre,
    L’ambre, la perle et le corail.

    Pelouses, réseaux de feuillages,
    Arbres géants d’hôtes remplis,
    Monstres hideux, beaux coquillages,
    La vie est partout sur nos plages,
    La vie est partout dans nos lits.

    Qui compterait dans nos entrailles
    Tant de trésors, là-bas perdus !
    Et d’habitants vêtus d’écaillés,
    Dont si peu s’accrochent aux mailles
    Des filets par l’homme tendus !

    Nous sommes les vagues profondes
    Où les yeux plongent vainement ;
    Nous sommes les flots et les ondes
    Qui déroulent autour des mondes
    Leur manteau d’azur écumant.

    Nous vous aimons, bois et charmilles,
    Qui sur nous versez vos parfums !
    Nous vous aimons, humbles familles,
    Dont sur nos bords les chastes filles
    Attendent leurs fiancés bruns !

    Vaisseaux couverts de blanches toiles,
    Reflets des villes et des monts,
    Jours de printemps purs et sans voiles,
    Nuits d’été riches en étoiles,
    Nous vous aimons ! nous vous aimons !

    Mais nos amours sont inquiètes,
    Et nous vous préférons souvent
    Le ciel noir, le vol des tempêtes,
    Et le chant des pâles mouettes
    Que berce et qu’emporte le vent.

    Nous aimons voir l’éclair dans l’ombre
    Que déchirent ses javelots,
    Et l’effroi du vaisseau qui sombre
    En jetant à la grève sombre
    Le dernier cri des matelots !

    Nous sommes les vagues profondes
    Où les yeux plongent vainement ;
    Nous sommes les flots et les ondes
    Qui déroulent autour des mondes
    Leur manteau d’azur écumant !


    Les Poëmes de la mer




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