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Jules Barbey d’Aurevilly
Sonnet
I
DANS cette fuite du Temps qui tombe en poussière derrière nous quand il est passé, il est un jour, il est une heure que Dieu marque du plus pourpré de ses rayons sur le front des femmes qui sont belles, et dont la lumière reste, fixe et brillante, dans notre pensée, comme l’astre polaire des plus chers souvenirs de nos cœurs.
II
Heure solennelle dans la Vie ! Quand la Beauté, comme un arbre divin, montant toujours dans la splendeur de son feuillage, touche enfin son zénith et semble entr’ouvrir le ciel même, — heure solennelle et sacrée ! Le nom que vous portez est pourtant bien terrible dans la langue de celles qui n’ont pas le calme olympien de la Beauté consciente et suprême :
Vous vous appelez Trente-Six Ans, heure magnifique de la Vie ! Orbe fulgurant de la roue, un instant arrêtée ! Minute d’immortalité ! Plein de la mer pour la Beauté, mais seulement quand la Beauté, comme l’Océan, est immense !
Ah ! laissez-moi vous contempler sur un front digne de vous porter, heure si longtemps attendue ! heure de gloire de la Beauté accomplie ! Laissez-moi ramasser, pour les jours où vous ne serez plus, les rayons fulminants de votre auréole, astre de Beauté au zénith, mais sans zénith dans mon âme, inextinguible soleil qui monterez toujours !
Rhythmes oubliés, 1897