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Léon Barracand
Le Sentier
Je connais un sentier sombre et marécageux
Bordé d’herbe et de fleurs où l’abeille butine.
Un jour, un crapaud vert qu’effleura sa bottine
Fit l’enfant se pâmer de dégoût sous mes yeux.
Je n’avais pas vingt ans, et n’aimais qu’elle au monde,
Et posai sur sa bouche un baiser amoureux.
Puis j’écrasai du pied le batracien immonde,
Et j’en eus du remords, lui devant d’être heureux.
Toujours, quand j’y repense à présent, je regrette
D’avoir été méchant, — et d’avoir été bête,
N’ayant pris qu’un baiser, en pouvant prendre deux.
Et puis, je donnerais les bosquets de Versailles,
Le petit Trianon, son lac et ses rocailles,
Pour cet étroit sentier, sombre et marécageux.