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    Mellin de Saint-Gelais

    Blason de l’œil

    Œil attrayant, œil arrêté,
    De qui la céleste clarté
    Peut les plus clairs yeux éblouir,
    Et les plus tristes éjouir
    Œil, le seul soleil de mon âme,
    De qui la non visible flamme
    En moi fait tous les changements
    Qu’un soleil fait aux éléments,
    Disposant le monde par eux
    À temps froid ou à chaleureux,
    A temps pluvieux ou serein,
    Selon qu’il est proche ou lointain.
    Car, quand de vous loin je me trouve,
    Bel œil, il est force qu’il pleuve
    Des miens une obscure nuée,
    Qui jamais n’est diminuée,
    Ni ne s’éclaircit ou découvre,
    Jusqu’à tant que je vous recouvre ;
    Et puis nommer avec raison
    Mon triste hiver cette saison.
    Mais quand il vous plaît qu’il advienne
    Que mon soleil à moi revienne,
    Il n’est pas si tôt apparu,
    Que tout mon froid est disparu
    Et qu’il n’amène un beau printemps
    Qui rend mes esprits tout contents ;
    Et hors de l’humeur de mes pleurs
    Je sens renaître en lieu de fleurs
    Dans mon cœur dix mille pensées
    Si douces et si dispensées
    Du sort commun de cette vie,
    Qu’aux dieux ne porte nulle envie.
    Et si vous me donnez loisir
    De jouir tant de ce plaisir,
    Que vos rais divins et leur force
    Puissent passer outre l’écorce,
    Ils savent mes sens allumer
    D’un feu qui le vient consumer,
    Et qui dans mon cœur arrêté
    Y remet un bouillant été.




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