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Renée Vivien
Bacchante triste
Le jour ne perce plus de flèches arrogantes
Les bois pleins d’ombre tiède et de rayons enfuis,
Et c’est l’heure troublée où dansent les Bacchantes
Parmi l’accablement des rythmes alanguis.
Leurs cheveux emmêlés pleurent le sang des vignes,
Leurs pieds vifs sont légers comme l’aile des vents,
Et le rose des chairs, la souplesse des lignes
Remplissent ta forêt de sourires mouvants.
La plus jeune a des chants qui ressemblent au râle :
Sa gorge d’amoureuse est lourde de sanglots.
Elle n’est point pareille aux autres, — elle est pâle,
Son front a l’amertume et l’orage des flots.
Elle est ivre à demi, mais son ivresse est triste,
Sans éblouissements de rêves amoureux :
Le vin de pourpre et d’or, où le soleil persiste,
Le vin des vieux chanteurs lui laisse un goût fiévreux.
Tout en elle est lassé des fausses allégresses.
Le sel mordant des pleurs, qui désole et meurtrit,
Vient corrompre la flamme et le miel des caresses :
Aux festins, elle seule est sombre quand on rit.
Car elle se souvient des baisers qu’on oublie,
Elle n’apprendra pas le désir sans douleurs,
Celle qui voit toujours avec mélancolie
Au fond des soirs d’orgie agoniser tes fleurs.