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Le soleil et l’action humaine en cause dans les vagues de chaleur au Sahel
Une étude menée par des chercheurs du World Weather Attribution soutient que les vagues de chaleur extrême avec des températures dépassant 45°C qui ont touché certains pays de la région du Sahel en mars et avril 2024 ont été rendues encore plus intenses par le réchauffement climatique d’origine humaine.
Pour Clair Barnes, professeure à l’Imperial College London et un des auteurs de cette étude, les vagues de chaleur ne sont pas inhabituelles dans cette région, mais elles ont été particulièrement intenses et durables.
« Les températures maximales quotidiennes ont un temps de retour de 100 ans, ce qui signifie que l’on s’attendrait à observer des températures similaires environ une fois tous les 100 ans. La durée de la chaleur était également inhabituelle : on s’attendrait à observer des températures aussi élevées sur une période de 5 jours seulement une fois tous les 200 ans », affirme l’intéressé.
La scientifique ajoute qu’avec un réchauffement climatique supplémentaire de 0,8 degré (ce qui ferait au total un réchauffement de 2 degrés par rapport aux niveaux préindustriels), des vagues de chaleur similaires pourraient se produire une fois tous les vingt ans.
Et, à en croire la chercheure, l’on devrait connaître ce niveau de réchauffement dans les années 2040 ou 2050, à moins que le monde ne réduise rapidement ses émissions de gaz à effet de serre.
Car, affirme Clair Barnes dans une interview, « des températures comme celles enregistrées au Mali et au Burkina Faso début avril auraient été pratiquement impossibles sans le changement climatique d’origine humaine ».
Pour arriver à cette conclusion, « nous avons examiné la période de cinq jours la plus chaude enregistrée chaque année et nous avons utilisé un modèle statistique pour définir à quel point ces températures ont augmenté depuis l’époque préindustrielle et dans quelle mesure ces températures sont plus susceptibles d’être dues au réchauffement anthropique », explique-t-elle.
« Nous avons ensuite examiné l’évolution des périodes de cinq jours les plus chaudes dans les modèles climatiques. Nous observons une tendance très similaire dans les modèles climatiques à mesure que la planète se réchauffe, ce qui confirme que l’augmentation des températures est due au réchauffement climatique », conclut Clair Barnes.
Une conclusion que ne partage pas Jacques Dembele, enseignant-chercheur à la faculté d’histoire et géographie à l’université des sciences sociales et gestion de Bamako au Mali.
Pour ce dernier en effet, la situation actuelle est due à la dynamique même du soleil. Pour lui le soleil est comme une centrale nucléaire, avec des explosions qui provoquent la chaleur que nous recevons et ces explosions sont cycliques avec une période de 11 ans.
« Nous sommes maintenant au sommet du cycle 25. Donc, avec beaucoup d’explosions. En avril chaque année, il fait chaud ; même si cette année, il a fait un peu plus chaud que d’habitude. C’est cette augmentation que nous cherchons à comprendre. Alors, il faut aller voir du côté du soleil et ce qu’il a fait récemment. Le soleil est à 99 % la source de notre chaleur », explique l’universitaire.
Pour sa part, Mohammed-Saïd Karrouk, professeur de climatologie à l’université Hassan II de Casablanca (Maroc), rappelle que le Sahel a toujours été et restera encore la zone la plus chaude de la planète parce que c’est la zone la plus ensoleillée au monde et c’est la région où le bilan énergétique est le plus « excédentaire ».
« Avec cette augmentation de la température, ces températures deviennent plus importantes qu’elles ne l’ont été. Il faut avoir de vraies observations pour voir ce qui se passe réellement sur le terrain et en faire des interprétations », dit-il.
« Jusqu’à aujourd’hui les observations transmises à travers le monde nous parlent des records de température. Chaque année bat le record observé auparavant. Ceci veut dire que le bilan énergétique de la terre continue d’augmenter », ajoute le chercheur.
A la suite des auteurs de l’étude, Mohammed-Saïd Karrouk pense que le phénomène el niño n’a qu’une négligeable responsabilité dans la vague de chaleur enregistrée ces derniers mois. D’où la raison pour lui d’aller chercher du côté du soleil.
Du point de vue des auteurs de l’étude, même si le Burkina Faso et le Mali sont tous deux des pays dont la population est habituée aux températures élevées, la durée et la gravité de cette vague de chaleur ont rendu difficile la survie des populations.
« Les vagues de chaleur sont sans doute le type de phénomène météorologique extrême le plus meurtrier : elles peuvent être particulièrement dangereuses pour les personnes âgées et les autres personnes souffrant de problèmes de santé », explique Clair Barnes
« Le signalement d’un excès de décès par un hôpital de Bamako, au Mali, a mis en évidence à quel point la chaleur peut être mortelle et il s’agit en fait d’un exemple rare d’un hôpital signalant un excès de décès en temps quasi réel », ajoute-t-elle. (SciDev.Net)