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    Théodore Agrippa d’Aubigné

    Tout cela qui sent l’homme à mourir me convie

    Tout cela qui sent l'homme à mourir me convie,
    En ce qui est hideux je cherche mon confort :
    Fuyez de moi, plaisirs, heurs, espérance et vie,
    Venez, maux et malheurs et désespoir et mort !
    Je cherche les déserts, les roches égarées,
    Les forêts sans chemin, les chênes périssants,
    Mais je hais les forêts de leurs feuilles parées,
    Les séjours fréquentés, les chemins blanchissants.
    Quel plaisir c'est de voir les vieilles haridelles
    De qui les os mourants percent les vieilles peaux :
    Je meurs des oiseaux gais volants à tire d'ailes,
    Des courses de poulains et des sauts de chevreaux !
    Heureux quand je rencontre une tête séchée,
    Un massacre de cerf, quand j'oy les cris des faons ;
    Mais mon âme se meurt de dépit asséchée,
    Voyant la biche folle aux sauts de ses enfants.
    J'aime à voir de beautés la branche déchargée,
    À fouler le feuillage étendu par l'effort
    D'automne, sans espoir leur couleur orangée
    Me donne pour plaisir l'image de la mort.
    Un éternel horreur, une nuit éternelle
    M'empêche de fuir et de sortir dehors
    Que de l'air courroucé une guerre cruelle
    Ainsi comme l'esprit, m'emprisonne le corps !
    Jamais le clair soleil ne rayonne ma tête,
    Que le ciel impiteux me refuse son oeil,
    S'il pleut qu'avec la pluie il crève de tempête,
    Avare du beau temps et jaloux du soleil.
    Mon être soit hiver et les saisons troublées,
    De mes afflictions se sente l'univers,
    Et l'oubli ôte encore à mes peines doublées
    L'usage de mon luth et celui de mes vers.




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