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    Théodore de Banville

    Loys

    Elle cueille des marguerites et les effeuille pour s’assurer de l’amour de Loys.
    Théophile Gautier, Giselle, acte I, scène IV.


    Mon Loys, j’ai sous vos prunelles,
    Oublié, dans mon cœur troublé,
    Mon époux qui s’en est allé
    Pour combattre les infidèles.
    Quand nous le croirons loin encor,
    Il sera là, Dieu nous pardonne !
    Mon beau page, quel bruit résonne ?
    Est-ce lui qui sonne du cor ?

    J’ai lu dans un ancien poème
    Qu’une autre Yolande autrefois
    Près de son page Hector de Foix
    Oublia son époux de même.
    Elle gardait comme un trésor
    Ces extases que l’amour donne. ―
    Mon beau page, quel bruit résonne ?
    Est-ce lui qui sonne du cor ?

    Cette Yolande était duchesse,
    Mille vassaux étaient son bien,
    Et son bel ami n’avait rien
    Que ses cheveux blonds pour richesse.
    Pour cet enfant aux cheveux d’or
    La dame eût vendu sa couronne. ―
    Mon beau page, quel bruit résonne ?
    Est-ce lui qui sonne du cor ?

    Ces amants qu’un doux rêve assemble,
    Ont souvent passé plus d’un jour
    À se dire des chants d’amour,
    Ou bien à regarder ensemble
    Les oiseaux prendre leur essor
    Vers l’azur qui tremble et frissonne. ―
    Mon beau page, quel bruit résonne ?
    Est-ce lui qui sonne du cor ?

    Ou bien ils passaient leurs journées
    À revoir d’auréoles ceints
    Les bonnes Vierges et les Saints
    Dans les Bibles enluminées.
    L’Amour dit son confiteor
    Sans écouter l’heure qui sonne. ―
    Mon beau page, quel bruit résonne ?
    Est-ce lui qui sonne du cor ?

    Comme leurs lèvres en délire
    Un soir longuement s’assemblaient,
    En des baisers qui ressemblaient
    Aux frémissements d’une lyre,
    On entendit au corridor
    Les pas de l’époux en personne. ―
    Mon beau page, quel bruit résonne ?
    Est-ce lui qui sonne du cor ?

    Sais-tu quel sort on nous destine ?
    Le malheureux page exilé,
    Plein d’un regret inconsolé,
    Alla mourir en Palestine.
    Toujours pleurant son cher Hector,
    La dame au couvent mourut nonne. ―
    Mon beau page, quel bruit résonne ?
    Est-ce lui qui sonne du cor ?


    Février 1841.




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