Un monde de connaissances
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    Théophile de Viau

    Le Matin

    Ode

    L'Aurore sur le front du jour
    Sème l'azur, l'or et l'ivoire,
    Et le Soleil, lassé de boire,
    Commence son oblique tour.

    Les chevaux, au sortir de l'onde
    De flamme et de clarté couverts,
    La bouche et les naseaux ouverts,
    Ronflent la lumière du monde.

    La Lune fuit devant nos yeux,
    La nuit a retiré ses voiles,
    Peu à peu le front des étoiles
    S'unit à la couleur des cieux.

    Déjà la diligente avette
    Boit la marjolaine et le thym,
    Et revient riche du butin
    Qu'elle a pris sur le mont Hymette.

    Je vois le généreux lion
    Qui sort de sa demeure creuse
    Hérissant sa perruque affreuse
    Qui fait fuir Endymion.

    Sa dame, entrant dans les bocages
    Compte les sangliers qu'elle a pris,
    Ou dévale chez les esprits
    Errant aux sombres marécages.

    Je vois les agneaux bondissants
    Sur ces blés qui ne font que naître:
    Cloris chantant les mène paître
    Parmi ces coteaux verdissants.

    Les oiseaux d'un joyeux ramage
    En chantant semblent adorer
    La lumière qui vient dorer
    Leur cabinet et leur plumage.

    La charrue écorche la plaine,
    Le bouvier qui suit les sillons
    Presse de voix et d'aiguillons
    Le couple des bœufs qui l'entraîne.

    Alix apprête son fuseau,
    Sa mère qui lui fait la tâche
    Presse le chanvre qu'elle attache
    À sa quenouille de roseau.

    Une confuse violence
    Trouble le calme de la nuit,
    Et la lumière avec le bruit
    Dissipe l'ombre et le silence.

    Alidor cherche à son réveil
    L'ombre d'Iris qu'il a baisée,
    Et pleure en son âme abusée
    La fuite d'un si doux sommeil.

    Les bêtes sont dans leur tanière,
    Qui tremblent de voir le Soleil;
    L'homme remis par le sommeil
    Reprend son œuvre coutumière.

    Le forgeron est au fourneau:
    Ois comme le charbon s'allume:
    Le fer rouge dessus l'enclume
    Etincelle sous le marteau.

    Cette chandelle semble morte,
    Le jour la fait évanouir;
    Le Soleil vient nous éblouir:
    Vois qu'il passe au travers la porte.

    Il est jour, levons-nous, Philis;
    Allons à notre jardinage
    Voir s'il est comme ton visage
    Semé de roses et de lys.




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