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    Théophile de Viau

    Au Roi

    Cher objet des yeux et des cœurs,
    Grand Roi, dont les exploits vainqueurs
    N'ont rien que de doux et d'auguste,
    Usez moins de votre amitié,
    Vous perdrez ce titre de juste
    Si vous usez trop de pitié.

    Quand un Roi par tant de projets
    Voit dans l'âme de ses sujets
    Son autorité dissipée,
    Quoi que raisonne le conseil,
    Je pense que les coups d'épée
    Sont un salutaire appareil.

    L'honneur d'un juste potentat
    Est de faire qu'en son état
    La paix ait des racines fermes :
    Par là se doit-il maintenir
    Et demeurer toujours aux termes
    De pardonner et de punir.

    Contre ces esprits insensés,
    Qui se tiennent intéressés
    En la calamité publique,
    Selon la loi que nous tenons,
    Il ne faut point qu'un roi s'explique
    Que par la bouche des canons.

    Les forts bravent les impuissants,
    Les vaincus sont obéissants,
    La justice étouffe la rage.
    Il les faut rompre sous le faix :
    Le tonnerre finit l'orage,
    Et la guerre apporte la paix.

    Henri, détourne ici tes yeux,
    Et, regardant ces tristes lieux
    Consacrés à ta sépulture,
    Considère comme ton cœur
    Se lâche et contre sa nature
    Reçoit un ennemi vainqueur.

    Toutefois, grand astre des rois,
    Celle qui te prit autrefois
    Encore impunément te brave,
    Ton cœur ne lui résiste pas
    Et demeure toujours esclave
    De ses victorieux appas.

    Grande Reine, en faveur des lys
    Avec lui presque ensevelis,
    N'offensez point ses funérailles ;
    Pour l'avoir à quoi le dessein
    De venir rompre des murailles
    Si vous l'avez dans votre sein ?

    Merveilleux changement du sort!
    Ce grand Roi, que devant sa mort
    Vous gagniez avecque des larmes,
    Est-il si puissant aujourd'hui
    Qu'il vous faille employer des armes
    Pour avoir empire sur lui ?

    Quoique ce grand cœur généreux,
    Forcé d'un respect amoureux,
    Ait fléchi devant votre face,
    Il n'est point si fort abattu
    Que son fils n'y trouve une place
    Où faire luire sa vertu.

    Nous croyons que ces révoltés,
    A notre abord épouvantés,
    Se défendront mal à la brèche ;
    Et qui fera comparaison
    De vingt canons contre une flèche,
    Dira que nous avons raison.




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